Plongée dans l'héritage vibrant de Ludmilla Chiriaeff – Une causerie riche en souvenirs
Ludmilla Chiriaeff : un nom qui évoque une énergie passionnée, un dévouement infatigable et un héritage qui transcende les générations. Lors d'une récente causerie organisée en son honneur par l’École supérieure de ballet du Québec, cinq panélistes l’ayant bien connu ont partagé leurs souvenirs et réflexions sur cette figure emblématique du monde de la danse québécoise : Jean Grand-Maître, Katia Mead, Jacques Drapeau, Christine Williams et Anik Bissonnette, ainsi que l’animatrice Judith Ouimet. Des membres du public ont également partagé leurs anecdotes aussi personnelles que touchantes. Voici un aperçu de ce qui s’est dit à cet événement présenté au Studio-Théâtre des Grands Ballets lors de la Journée internationale de la danse 2024.
Dès les premières réflexions, il était clair que Ludmilla Chiriaeff ne se contentait pas de suivre le chemin facile. Son charisme envoûtant et sa capacité à fédérer les individus ont laissé une marque indélébile sur tous ceux qui ont croisé son chemin. Comme l'ont souligné plusieurs panélistes, bien plus qu'une simple figure d’autorité, elle était une force de la nature qui savait inspirer et guider ceux qui l'entouraient.
Elle était aussi une femme d’affaires redoutable, explique l’animatrice Judith Ouimet qui relate que Ludmilla Chiriaeff n’hésitait pas à aller s’adresser directement à des politiciens pour obtenir du financement… jusqu’au premier ministre du Québec, Jacques Parizeau, qu’elle a interpellé dans un cocktail.
L'une des batailles les plus significatives de Ludmilla Chiriaeff fut celle pour l'acceptation du ballet classique au Québec. Confrontée à des réticences et même à des critiques de la part de certaines sphères conservatrices de la société, elle a démontré une détermination inébranlable à élever cet art au sein de la culture québécoise. Au début des années 1950, les enfants qui suivaient les classes de Madame se cachaient sous un sac pour ne pas montrer leurs corps! De fervents catholiques ont même écrit au Vatican pour se plaindre qu’elle montrait ses jambes à la télévision! Ces obstacles ne l’ont pourtant jamais arrêtée et elle a tout fait pour apprivoiser ce contexte et faire aimer la danse au plus grand nombre. Des années plus tard, elle présentera fièrement une de ses œuvres à l’Oratoire St-Joseph, symbole d’une grande évolution des mœurs et du succès de sa persévérance.
Au-delà de son impact sur la scène artistique, Ludmilla Chiriaeff a laissé un héritage indélébile dans le domaine de l'enseignement de la danse. Christine Williams, qui a non seulement été son élève, mais l’a aussi côtoyé à titre d'enseignante, relate que celle qu’on appelait Madame a développé une méthode et un syllabus qui ont servi de fondement à de nombreuses générations de danseurs. Elle entrevoyait plusieurs pistes de développement pour ses jeunes pousses, que ce soit comme interprètes, enseignants ou chorégraphes. Anik Bissonnette souligne aussi son ouverture d'esprit envers d'autres formes de danses – contemporaine, jazz, folklore – et d’autres disciplines artistiques. Ses élèves se souviennent avec émotion de sa générosité, de sa compassion et de son engagement envers leur avancement personnel et artistique.
Ludmilla Chiriaeff avait une vision ambitieuse pour le développement de la danse à travers tout le Québec. Jacques Drapeau se souvient à quel point il était important pour Mme Chiriaeff «que ce soit des gens d’ici qui dansent, pour les gens d’ici.» Elle a ouvert de nouvelles portes pour les jeunes danseurs, offrant des opportunités de recrutement et de formation de classe mondiale à leur porte. Les cours et les examens qu’elle donnait dans plusieurs villes comme Québec, Chicoutimi, Rimouski, etc. témoignent de son désir de repérer et de nourrir le talent où qu'il se trouve. En faisant le tour des écoles en région, Ludmilla Chiriaeff a non seulement découvert de nouveaux talents, mais elle a également inspiré une nouvelle génération de danseurs natifs de Québec et d'ailleurs.
Ce qui ressort le plus de cette causerie, c'est la vision audacieuse et humaniste de Ludmilla Chiriaeff. Elle ne se contentait pas de former des danseurs talentueux ; elle aspirait à créer une communauté où chacun se sentait valorisé et encouragé à atteindre son plein potentiel.
Jean Grand-Maître se remémorait avec gratitude son acceptation à l'École supérieure, alors qu'il avait 17-18 ans et n'avait qu'une année d'expérience en danse. Ludmilla Chiriaeff lui a non seulement permis de suivre une formation professionnelle en ballet, mais elle lui a également insufflé la confiance nécessaire pour poursuivre ses rêves de chorégraphe! « À la fin de ma formation, elle m’a dit : Tout ce qu’on t’a enseigné ici, tu ne l’as pas nécessairement dans les jambes, mais tu l’as dans la tête. Et elle m’a encouragé à devenir chorégraphe. » Ce récit témoigne de la capacité de Mme Chiriaeff à reconnaître le potentiel chez les autres et à les encourager à le réaliser.
Sa conviction que la danse était un langage universel capable de transcender les frontières culturelles résonne encore aujourd'hui. Sa fille, Katia Mead, se souvient : «Elle avait une passion, elle avait une vision, mais surtout, elle avait une mission. Elle aimait donner et faire grandir les autres.»
Conclusion : un hommage à la vie et à l'œuvre de Ludmilla Chiriaeff
En réfléchissant à l'héritage de Ludmilla Chiriaeff, il est clair qu'elle était bien plus qu'une directrice d’école et de compagnie de création. Elle était une visionnaire, une éducatrice et une humaniste dont l'influence continue de se faire sentir dans le monde de la danse. Son dévouement passionné envers son art et sa capacité à inspirer les autres restent un exemple inspirant pour les générations futures.
L’École supérieure remercie chaleureusement les Grands Ballets pour son généreux accueil dans leur Studio-Théâtre.
Photos : Collection de la Bibliothèque de la danse Vincent-Warren